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Le blog de Lucien
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19 septembre 2009

Faut-il investir dans les éoliennes ?

jeudi, 17 septembre 2009

EOLIENNES : MOULINS A EMPLOI

 

A quelques semaines du vote du Grenelle 2, le rythme des raccordements des éoliennes marque le pas en France. Reportage au Portugal  où une région entière plongée dans la crise a connu en quatre ans à peine une révolution industrielle.  En construisant 200  moulins à vent par an hautement performants.  60% de la production partira bientôt à l'export.

« L'avenir, ce n'est pas le vent ! Je ne sais pas qui a trouvé ça ! » assène depuis des mois l'ancien Président de la République Valéry Giscard d'Estaing. Dans ses réunions-débat, tout y passe pour dézinguer l'éolien :  un « hachoir à oiseaux » dénoncent ses proches,  un  complot ourdi par «  le NAT_5273_p1.jpgpuissant lobby germano-danois » martèle Giscard qu'on croyait un peu plus européen. Des affairistes, ajoute-t-il, qui « s'attaquent aux paysages de  la campagne française ». Insignifiant à force d'être être excessif ? « Ne croyez pas ça,  confie André Antolini, Président du Syndicat des énergies renouvelables. Cette propagande a des effets très sensibles   sur les  votes des parlementaires. L'objectif  de 10% d'énergie électrique issue de l'éolien fixé pour 2020 par le Grenelle de l'environnement est compromis. On accumule les retards. »

Puisque courent les rumeurs les plus  fantaisistes  - les éoliennes feraient avorter  les vaches, rendraient sourds, ruineraient le contribuable...-  André Antolini a  invité le Nouvel Observateur à  y voir de plus près. Et surtout à découvrir aux pieds de ces moulins à phantasmes une toute nouvelle  et insoupçonnable économie. Une ruée sur l'air.NAT_7173_p1.jpg

Où ? Au  Nord du Portugal dans le district de Viana do Castelo (250 000 habitants). Sur le port de Viana, en 2005, le chantier naval agonisait et la ville sombrait. Lisbonne, qui a proscrit le nucléaire,  lançait alors  un appel d'offres pour la construction de plusieurs parcs d'éoliennes d'une puissance  totale de 1200 Mégawats. «  En énergie produite, c'est la moitié d'une de vos futures centrales EPR ! » plastronne Annibal Fernandes, le patron du groupement d'industries qui a remporté le concours et qui regroupe notamment  EDP , l'EDF portugaise, et  l'allemand Enercon, l'un des leaders mondiaux de fabrication d'éoliennes.

Le miracle, c'est que  pour construire, planter, entretenir ces machines  de 80 mètres de hauteur    (quasiment  la longueur d'un terrain de foot)   et leurs  pales (50 mètres chacune et 8, 5 tonnes à la pesée), la ville de Viana do Castelo  s'est offert une révolution industrielle éclair. Dés cette année, 25% du PIB du district tourne au vent. C'était 0% il y a quatre ans. Les autorisations très tatillonnes de tous les ministères y compris ceux qui protégent le paysage ? « Environ trois mois de délai contre souvent plus de trois ans en France. » soupire Antolini.  Deux mille  salariés, tous portugais,  qu'ils soient ingénieurs ou ouvriers,  en majorité des femmes, ont été embauchés dans les sept nouvelles plateformes qui produisent tout. Des câbles électriques, aux tableaux électroniques en passant par les générateurs (55 tonnes), le mât en béton,  la nacelle en métal dessinée par l'architecte Foster...

« Le « made  100% in Portugal », c'était le deal imposé au «  lobby germain ».  le constructeur allemand Enercon a accepté sans broncher. Au total, chaque année,   200 éoliennes sortent  des plateformes de Viana do Castelo et de ses environs. Du coup, une trentaine d'entreprises locales tournent à plein régime. Avec cinq emplois indirects pour une embauche, ce sont quelques 10 000 emplois créés en moins de trente mois. Ici on ne travaille pas à la chaîne. Le col-bleu se déclare « artisan » : « Vous voyez les milliers de plaquettes de cuivre au format de  tablette de chocolat qui servent à produire l'électricité ?  Eh bien nous les fixons une à une  sur le générateur dit Alvaro. . On vérifie tout. Du cousu main». Il a vingt-cinq ans, un sourire qui n'en finit pas : «  Moi je viens d'un  petit village plombé  du coin.  Ici,  tous les  jeunes  du district rêvent des éoliennes. Ça sent le propre et le futur. ». Il est exact qu'entre 2011 et 2013, une fois que les turbines  de la région seront toutes installées,  60% de la production de Viana do Castelo partira à l'export sur  un marché dont la croissance mondiale est de... 20% par an.

Il faut grimper haut , très haut, dans l'arrière-pays montagneux et caillouteux  impropre à l'agriculture,   pour distinguer les éoliennes géantes de 82 mètres. Sur la cime, le centre de la ferme Alto Minho qui regroupe 120 machines distribuées sur 50kms de crête... Des chèvres broutent nonchalamment  ici et là. DSCF3742.jpgDu bruit ? On a beau tendre l'oreille... Rien. Mieux vaut vérifier, monter en haut de la machine, s'harnacher comme un alpiniste, grimper une échelle,  puis prendre un ascenseur jusqu'à la nacelle. Et enfin sortir la tête. On voit le rotor pivoter  doucement  sur son axe pour capter au plus prés le souffle des alizés de l'Atlantique. Un silence absolu. Presque exagéré. « Normal, éclate de rire, le technicien de maintenance. Sur les machines que produisent  Enercon il n'y a pas de boîtier de vitesse. Aucun frottement.  Et puis, vous voyez les extrémités des pâles. Elles sont recourbées. C'est la réplique exacte des ailes d'un aigle quand il pique sur sa proie. Pas le plus petit chuintement »

Et pourtant, elles donnent les éoliennes. Rien que sur cette ferme, 240 Mégawats sortent des turbines et assurent  55%  de la consommation électrique  des  250 000 habitants du District. « Dés 2010, au Portugal, 20% de l'électricité nationale lusitanienne sera produit par le vent. Et  40%  le seront par les énergies renouvelables si l'on ajoute l'hydroélectricité » note Nubo Ribeiro da Silva , ex-secrétaire d'Etat à l'Environnement.DSC_1566_p1.jpg Parfois, c'est un couplage  entre l'eau et l'air :  l'énergie produite la nuit par  les éoliennes peut servir  à pomper l'eau  en aval  des barrages pour faire tourner les   turbines hydroélectriques le jour. Et faire face aux pics de consommation.

Vraiment du pipo le vent ? «  Écoutez,  dit Anibal  qui  a commencé sa carrière à Shell, est passé par l'Ecole des Mines de Paris et a construit le terminal méthanier de Lisbonne,  je sais que chez vous on ne jure que par le nucléaire. Mais à quelques kilomètres d'ici en  Espagne, on en est déjà revenu de l'atome miraculeux. Sur huit centrales, deux sont en fait  en arrêt technique. Et l'année dernière, si le black-out  électrique a été évité chez eux, c'est en grande partie grâce à... nos éoliennes. La technologie des moulins à vent modernes est mature, coûte  encore 10 à 25 moins cher que le solaire. Croyez-moi ou non, mais je peux vous jurer que ça rapporte. Déjà plus que le nucléaire. Faut juste être de bonne foi. »

Guillaume Malaurie

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Commentaires
S
bravo pour le maintient de l'emploi avec la fabrication des éoliennes.
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