Un rapport qui doit tout éclairer...
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MINISTÈRE DE L’ÉCOLOGIE, DE L’ÉNERGIE,
DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER
en charge des Technologies vertes et des
Négociations sur le climat
Paris, Direction
générale de l’aviation civile le 24 septembre 2009
Le
directeur général
50, rue Henry Farman
75720 Paris cedex 15
Tél : 01 58 09 43 21
Rapport à M. le
Secrétaire d’Etat chargé des Transports
Dans son édition du
23 septembre 2003, Le Figaro publie deux articles intitulés « Les
dangereuses pratiques
des aiguilleurs du ciel » et « Transport aérien : plusieurs
catastrophes ont été
évitées de justesse à Paris ».
I. Eléments factuels
relatifs aux incidents et données mentionnés dans les
articles
Durée
et organisation du travail des contrôleurs aériens
Les contrôleurs
aériens ont un rythme horaire de 32 heures en moyenne par semaine
correspondant à 24H
de tenue de position maximale une fois décomptés les temps de pause
légaux.
Leur régime prend en
compte le fait que leur activité se déroule 24h/24 et 365 jours par an. Il
intègre ainsi le fait
que, lorsqu’ils sont « au casque » à gérer le trafic, il n’y a pas de temps
mort
comme dans une
activité de bureau et leur travail est extrêmement stressant.
Les tours de service
des équipes sont en effet organisés pour tenir compte des
variations
journalières, hebdomadaires et saisonnières prévues pour le trafic. Les chefs
d’équipe gardent une
certaine latitude pour adapter finement le nombre de positions de
contrôle ouvertes à
la demande réelle de trafic. En période de faible trafic, le chef
d’équipe peut être
amené à octroyer une autorisation d’absence à certains contrôleurs
par rapport à leur
vacation théorique fixée pour l’ensemble de l’équipe par le tour de
service.
C’est ce phénomène
dit de « clairances » auquel fait référence l’article et qui a
également fait l’objet
de remarques de la Cour des comptes dans son référé du 31
juillet dernier
portant plus généralement sur les relations sociales au sein de la DGAC.
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Comme le note la
Cour, l’ampleur du phénomène est difficile à mesurer puisque
officieux et sans
doute variable d’un centre à un autre, voire d’une équipe à une autre ;
Par ailleurs, le fait
qu’un contrôleur n’arme pas une position ne signifie pas qu’il n’est
pas présent en salle
opérationnelle et prêt à tout moment à armer une position à la
demande du chef d’équipe,
notamment en cas d’aléa technique ou météorologique.
La DGAC reconnaît qu’en
l’absence de système de pointage systématique des
présences, il est
difficile de contrôler effectivement le phénomène. Mais il est à noter
que dans le cadre de
la licence européenne mise en place en 2007, les contrôleurs
doivent maintenant
remplir dans un carnet leurs heures de tenues de poste. Vous nous
avez demandé dans la
réponse à la Cour des comptes de mettre en place un suivi
personnalisé pour
permettre plus facilement à la direction de la sécurité de l’aviation
civile de vérifier
les conditions nécessaires à la prorogation des licences de contrôleur
et nous allons donc
le mettre en oeuvre sans tarder.
Comme cela a déjà été
souligné dans la réponse à la cour des comptes, la DGAC
considère en outre
que le professionnalisme des contrôleurs aériens, le sens des
responsabilités des
chefs d’équipe et les mesures et consignes en vigueur en matière
de gestion
opérationnelle des salles de contrôle, garantissent le maintien des règles de
sécurité en toute
circonstance. Ainsi :
- la quantité de
trafic gérée par chacune des positions de contrôle est suivie
automatiquement par
les systèmes informatiques de gestion du trafic, de façon
prédictive comme a
posteriori, ce qui permet de vérifier qu’il n’y a pas de surcharges
de trafic
préjudiciables à la sécurité ;
- tous les incidents
sont analysés en toute transparence avec tous les personnels
concernés et la bonne
tenue des positions de contrôle en conformité avec les règles en
vigueur est
systématiquement vérifiée.
Des
contrôleurs en 1er poste à Roissy - CDG
En sortie de
formation à l’Ecole Nationale de l’Aviation Civile, les contrôleurs aériens
sont
affectés dans les
services opérationnels sur une liste de poste par choix individuel selon leur
ordre de classement.
Les statistiques de prise de 1er poste à Roissy – CDG montrent que les
élèves qui
choisissent CDG se situent dans tous les niveaux de classement. Il est donc
erroné
d’annoncer que « les
moins bons se retrouvent sur les aéroports parisiens ».
Par ailleurs, la
formation d’un contrôleur débutant se poursuit une fois arrivé dans son centre
d’affectation. La
formation complémentaire peut durer jusqu’à plus de 3 ans pour un centre aussi
complexe que Roissy.
Mais quel que soit le classement de l’agent en sortie de l’ENAC, la
qualification de
contrôleur n’est donnée que sur validation locale des aptitudes réelles des
contrôleurs à exercer
les fonctions de contrôle dans le centre. Certains agents ne parviennent
jamais à se
qualifier.
Lors du précédent
protocole social de la DGAC a été créée une prime progressive avec
l’ancienneté à Roissy
pour stabiliser les effectifs. Les effets de cette création sont très positifs.
En outre, il convient
de noter que, dans toute la fonction publique, les postes localisés au sud de
la France sont plus
recherchés que les postes situés en région parisienne ou dans le Nord et
l’Est. La situation
des effectifs de Roissy n’est donc pas liée à la complexité du travail comme
l’article le laisse
penser.
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Usage
réglementé de la radio aéronautique
Les communications
radio doivent être succinctes et s’appuyer sur une phraséologie très
précise et
règlementaire. Les propos tenus à la fréquence par le pilote dans l’extrait
sonore
accessible sur le
site du Figaro sont donc complètement anormaux et constitutifs d’une faute,
sans parler de leur
incorrection.
Par ailleurs, la
régulation en vitesse des avions à l’arrivée, objet de la protestation du
pilote, est
nécessaire pour
assurer les séparations règlementaires, éviter notamment les risques liés à la
« turbulence de
sillage » et réguler le cadencement des avions en approche. Ceci peut créer
exceptionnellement
des tensions entre pilotes et contrôleurs lorsqu’un avion est en retard mais
dans la très grande
majorité des cas cela se passe très bien, chacun comprenant les exigences
de sécurité et de
régularité qui y sont liées.
Relations
entre les effectifs et la capacité déclarée à l’organisme européen de gestion
des
flux
et des créneaux « EUROCONTROL »
L’effectif des
équipes de contrôleurs ne détermine pas seul la capacité maximale dans les
aéroports, qui est
aussi limitée par la configuration générale en matière de pistes disponibles
comme d’environnement
aérien.
Le dimensionnement
stratégique du contrôle aérien à moyen terme dans l’espace aérien
français, et donc
aussi les effectifs nécessaires, est concerté au niveau européen avec
l’organisme
Eurocontrol en fonction des perspectives de croissance du trafic aérien, ce qui
permet de déterminer
les recrutements nécessaires de contrôleurs aériens.
La Direction des
services de la navigation aérienne (DSNA) envoie, la veille de chaque jour au
centre de gestion des
flux de trafic européen d’Eurocontrol, la capacité de contrôle du
lendemain, qui tient
compte des effectifs programmés dans chaque équipe.
Les chefs d’équipe ne
peuvent demander en temps réel une réduction du trafic, sauf pour des
raisons impérieuses
de sécurité et dans le cas de circonstances exceptionnelles comme des
intempéries.
Il est donc
parfaitement inexact de dire que les contrôleurs baisseraient d’eux-mêmes les
capacités pour s’octroyer
des disponibilités ou congés supplémentaires.
Réaction
sur la « féminisation » du contrôle aérien
Les propos sexistes
selon lesquels la féminisation du métier de contrôleur aérien a un effet sur
les « clairances »
sont simplement inadmissibles en plus d’être erronés. Les contrôleurs aériens,
qu’ils soient hommes
ou femmes, se voient assujettis aux mêmes contraintes en matière
professionnelle.
Incidents
mentionnés
Des trois événements
cités dans l’édition du Figaro ce jour, seul celui du 18 février 2007 est
clairement identifié
et peut donc faire l’objet d’une analyse.
L'événement est bien
mentionné dans la revue Survol et il a été analysé en commission locale
de sécurité le 3
avril 2007, avec la participation du pilote d’Air France concerné, puis en
commission nationale
le 21 juin 2007.
La cause de cet
événement est une erreur humaine, à savoir un lapsus du contrôleur sur l’ordre
à donner de tourner à
gauche au lieu de tourner à droite. Cette erreur a été détectée par le
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système de « filet de
sauvegarde » intégré à l’écran radar du contrôleur ce qui a permis au
contrôleur de
rectifier l’ordre donné au pilote, avant même le déclenchement du système
embarqué d’anticollision
T-CAS.
La commission d’analyse
de la sécurité a aussi considéré que la charge de travail a pu être un
facteur contributif.
Mais un dégroupement des fréquences aurait aussi pu dans ce cas conduire
à la nécessité d’une
action de coordination supplémentaire puisque les deux avions concernés
auraient été gérés
par deux positions différentes. Il est donc très difficile dans ce cas de
savoir si
le plus favorable
aurait été le regroupement ou le dégroupement.
Par ailleurs, il a
aussi été établi qu’une des causes de complexité était le choix par le
contrôleur
d’une stratégie d’attribution
des pistes de décollage aux avions réduisant le roulage au sol de
ceux-ci.
A la suite du travail
de ces deux commissions, la DSNA a donné des consignes aux contrôleurs
de Roissy consistant
à éviter les stratégies complexes d’attribution de piste en période de
charge de trafic.
De plus, il est
précisé dans le manuel de contrôleur, qu’en cas d’instruction de contrôle
inhabituelle par rapport
à la phase de vol en cours, le contrôleur devra utiliser une phraséologie
adaptée permettant de
lever le doute sur un éventuel lapsus.
Enfin, l’événement a
été joint au dossier du contrôleur afin d’en tenir compte pour la suite de son
entraînement et pour
ses évaluations, en accord avec son chef d’équipe.
Les deux autres
événements mentionnés dans l'article en question n'ont pu être retrouvés:
· Aucun événement de sécurité de type « rapprochement
anormal » en relation avec un
A300 de la
"Kenyan Airlines" n’a pu être identifié dans les bases de données de
la
DGAC. Il faut
signaler que Kenyan Airlines n’utilise plus d'Airbus A300 depuis plusieurs
années. L'événement
de type "quasi incursion de piste" qui se serait déroulé ensuite n'a
donc pu être
identifié faute de date et de précision sur les appareils concernés.
· En Février 2008, seul un événement de type
rapprochement anormal concernant deux
vols AFR a été
identifié. Il ne correspond pas à la description fournie. Une recherche
basée sur le type
d'appareil B777 n'a pas été fructueuse. Il est probable qu'un
amalgame ait été fait
entre cet incident marquant et celui cité pour février 2008
II. Un système
français de contrôle aérien sûr et efficace
La sécurité constitue
l’objectif premier et supérieur à tout autre pour la navigation aérienne. Pour
cela, la Direction
des Services de la Navigation Aérienne de la DGAC met tout en oeuvre pour
atteindre cet
objectif en assurant un service efficace aux opérateurs du transport aérien. Le
professionnalisme de
la DGAC est reconnu dans tous les grand pays aéronautiques.
Le
traitement des événements de sécurité : l’analyse interne et le BEA
Les « événements »
opérationnels, même mineurs, font l’objet de rapports, dont certains sont
automatiques. Ils
font alors l’objet d’une analyse dont le niveau de formalisme et de traitement
dépend de leur
gravité avéré ou potentielle. Ainsi, les événements font l’objet d’une analyse
locale (au sein des
Commissions Locales de Sécurité) voire nationale (en Instance de
Traitement des
Evénements de Sécurité, présidée par le Directeur des Opérations de la
navigation aérienne).
Des actions correctives sont identifiées au cours du traitement.
Les mécanismes de
fonctionnement de ces instances interdisent de facto toute opacité qui serait
préjudiciable au
traitement des événements de sécurité. Lors de l’analyse, la vérification que
les
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positions de contrôle
étaient correctement armées est systématiquement effectuée et les
contrôleurs concernés
participent à la commission locale de sécurité
En outre, le Bureau d’Enquête
et d’Analyse, organe indépendant de la DGAC, peut se saisir de
l’analyse d’un
événement traité et procéder à sa propre analyse.
Ces dispositifs
alimentent le suivi d’indicateurs de sécurité dans une perspective d’amélioration
continue.
Le très faible nombre
d’accidents aériens ou d’incidents graves en France pour le trafic
commercial montre le
haut niveau de sécurité du secteur aérien, donc de la navigation aérienne
française.
La
recherche de la régularité du trafic et d’une maîtrise des coûts
Si la sécurité
constitue l’objectif premier de la navigation, il importe de proposer aux
opérateurs
aériens des services
de qualité, notamment en terme de régularité. Cette régularité s’obtient
aujourd’hui par le
très haut niveau de compétence des contrôleurs aériens ainsi que par la
qualité des outils de
gestion du trafic qui leur sont offerts. Le taux de retard en France pour
cause de contrôle
aérien est, depuis plusieurs années, inférieur à l’objectif européen de moins
de 1mn / vol en
moyenne.
Cette régularité s’accompagne
par ailleurs d’une efficacité économique parmi les meilleures
d’Europe. Ainsi, le
taux unitaire des redevances payé par les compagnies aériennes est l’un des
plus bas d’Europe et
inférieur à celui de tous les pays voisins de la France.
Ainsi, de manière
générale, le contrôle aérien français affiche parmi les meilleures performances
en matière de coût et
d’efficacité selon les analyses menées par la commission de la
performance de l’agence
européenne EUROCONTROL à Bruxelles.
La
formation des contrôleurs
La sélection des
contrôleurs aériens et leur formation est particulièrement poussée en France
(bac +2 au niveau
math sup et math spé, puis trois ans de formation pratique à l’Ecole Nationale
de l’Aviation
Civile).
A l’issue de leur
formation à l’ENAC, ils reçoivent une formation qualifiante dans leur centre
d’affectation. En
fonction des caractéristiques du centre, cette formation locale dure de 9 mois
à
un peu plus de 3 ans.
Le contenu de leur
formation fait l’objet d’agréments spécifiques accordés par la Direction de la
Sécurité de l’Aviation
Civile, autorité de surveillance indépendante de la navigation aérienne,
conformément aux
exigences communautaires du Ciel Unique européen.
Leur licence de
contrôle leur est accordée au vu d’évaluations théoriques et pratiques.
Les contrôleurs sont,
en outre, assujettis à de nombreuses obligations et contrôles périodiques
de connaissance dans
le cadre de leur licence.
La
situation particulière de Roissy – CDG
Roissy est le 1er aéroport d’Europe
avec un trafic de 550 000 vols par an et accueille avec Le
Bourget 620 000 vols
par an. En cela, le contrôle aérien à Roissy est plus complexe que sur la
plupart des
plateformes. Le niveau de trafic explique que la DGAC soit particulièrement
attentive
au niveau de sécurité
à Roissy.
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III. Conclusion
Ainsi, l’idée que
véhicule l’article du Figaro d’un contrôle aérien organisé au seul profit
de ses agents et au
mépris de la sécurité est inexacte. Il n’en reste pas moins que,
comme dans toute
oeuvre humaine (et notamment le pilotage), le contrôle aérien
n’échappe pas aux
erreurs humaines. Elles n’ont pas le lien que voudrait établir l’article
avec la gestion des
effectifs et un système de sécurité digne de ce nom doit prendre en
compte cette
possibilités d’erreurs humaines pour les minimiser, les compenser par des
systèmes automatiques
d’alerte et de secours et assurer un retour d’expérience
systématique pour
améliorer inlassablement la situation. Cet effort continu qu’il faut
mettre au bénéfice
des professionnels de la navigation aérienne permet d’assurer que
le ciel français est
l’un des plus sûrs au monde et que le transport aérien reste d’une
manière générale un
moyen de transport sécurisé.
Patrick GANDIL