Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le blog de Lucien
Le blog de Lucien
Publicité
20 octobre 2009

Soulages au Centre Pompidou par Harry Bellet

LE MONDE | 15.10.09 | 16h40

   

Labourage et pâturage sont les deux mamelles de Pierre Soulages. On ira pour s'en convaincre voir la rétrospective en un peu plus d'une centaine d'oeuvres que lui consacre jusqu'au 8 mars 2010 le Centre Pompidou, à Paris. La première date de 1946, la dernière de mars 2009 et, en soixante-trois ans de carrière, le peintre, né en 1919, n'a eu de cesse de tracer son sillon. Droit, profond, malgré quelques tempêtes. Dont une méchante polémique l'opposant jadis, par critiques interposés, à tel ou tel de ses confrères américains. Un problème d'antériorité, auquel l'histoire de l'art a, depuis, fait justice, mais qui continue de hanter l'artiste.

Pierre Soulages : " Il faut voir avec les yeux, et non avec ce que l'on a en tête".

 

Entretien Soulages, peintre du noir : "La lumière est d'une richesse inimaginable"

Vidéo Pierre Soulages, portrait d'un artiste au travail

Au point que l'exposition s'ouvre avec une affiche. Elle avait servi à annoncer une exposition en Allemagne en 1949 et tomberait comme un cheveu sur la soupe, si cet exemplaire-là n'avait une autre histoire : Soulages l'avait offert à Herman Cherry, qui l'emporta à Manhattan et la punaisa au mur de The Club, un lieu où se réunissaient les peintres qui firent ensuite les beaux jours de l'école de New York et qui eurent ainsi du Soulages sous le nez en permanence. Dont acte. La chose paraît aujourd'hui dérisoire, mais l'artiste y tient beaucoup. D'autant que l'épisode n'est pas si anodin que cela, comme le montre la suite de l'exposition, ainsi qu'un texte important de Serge Guilbaut dans le catalogue.

Divisée en dix salles, l'exposition est articulée en deux grandes phases : avant et après le triomphe de la peinture américaine. L'avant, c'est cette période euphorique où un très jeune peintre, alors âgé de moins de 30 ans, devient un des chefs de file de sa génération. Il tâtonne un peu au début, mais, très vite, il impose un geste, ample, puissant, profond. Un geste, pas une gestuelle. Il ne gesticule pas, il trace.

La critique salue, le succès suit, les expositions s'enchaînent, jusqu'à l'Amérique qui l'acclame. Il vend à Nelson Rockefeller, au Guggenheim, au MoMA. James Johnson Sweeney l'expose au Musée de Houston, en 1966. C'est là qu'il aura pour la première fois l'idée d'accrocher, comme on le voit aujourd'hui à Beaubourg, des toiles sur des câbles tendus du sol au plafond.

La seconde phase vient après 1971. Il y a d'ailleurs dans l'exposition un hiatus, avec très peu d'oeuvres de cette décennie. L'Amérique le rejette désormais, comme tout l'art français. S'il en souffre, il n'en continue pas moins. Jusqu'à ce que quelque chose germe. Ce sera "l'outrenoir", comme il le nomme. Le tracé envahit toute la toile. La peinture est là, apparemment monochrome. Noire ? Non. Le noir, dont on pense trop souvent qu'il caractérise Soulages, n'est qu'un moyen.

Avec divers outils, que souvent il confectionne lui-même, il va modeler, moduler la surface, jouer des matités et des brillances. Des lignes de crête, des andains vont arrêter la lumière, se la réexpédier, la faire irradier de toute la toile. Une salle superbe marque cette période : trois tableaux éclairés uniquement par le reflet indirect de la lumière sur le mur qui leur fait face. Soulages est libéré de l'abstraction, de l'expressionnisme et des écoles de Paris ou de New York des années 1950 : il va de l'avant, crée des tableaux où le regard se perd. Le nôtre, le vôtre. Des monuments intemporels livrés en pâture à l'oeil. Et des mondes à ruminer.


"Soulages", Centre Pompidou, place Georges-Pompidou, Paris-4e. Mo Rambuteau. Tél. : 01-44-78-12-33. Jusqu'au 8 mars 2010, de 11 heures à 21 heures. De 9 € à 12 €. Catalogue, 352 p., 44,90 €.

www.centre-pompidou.fr.

Harry Bellet

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité