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Le blog de Lucien
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23 avril 2009

Giono, l'écrivain le plus sensuel...

RÉVÉLATION

L'amour inconnu de Giono

Monique Verdussen

Mis en ligne le 29/06/2007

Ils s'aimèrent. Elle inspira ses romans et plus de mille lettres conservées hors publication.

Elle a, durant près de trente-cinq ans, bouleversé la vie de Jean Giono. Qui le sait ? Leur histoire a été évincée de l'histoire qui raconte l'écrivain. Oubliée ou ignorée des biographes. Absente du Centre Jean-Giono de Manosque où, pourtant, du temps où elle habitait à l'étage de la maison, ils vécurent les moments les plus lumineux de leur amour. Et, sans doute, l'existence de cette femme passionnément aimée serait-elle, longtemps encore, demeurée secrète si ce fouineur d'Hubert Nyssen n'avait joué les détectives. Mis en alerte par la traduction - et surtout par la préface - qu'avait faite Giono du "Moby Dick" de Melville, celui-ci soupçonna que l'escapade amoureuse attribuée à l'auteur américain relevait d'un amour de l'écrivain manosquin. Il aurait pu en rester là de conjectures tout de même hasardeuses s'il n'avait reçu, en 1997, un article d'une certaine Jolaine Meyer révélant que sa mère, Blanche Meyer, avait eu avec Giono une liaison qui lui avait inspiré le personnage d'Adelina White dans ce qu'il avait titré "Pour saluer Melville".

"LE GIONO QUE J'AI CONNU"

White... Blanche... La curiosité de l'éditeur d'Arles s'accrut d'autant que la fille révélait, dans la foulée, qu'une correspondance de plus de 1000 lettres, 3300 pages écrites par Giono, se trouvait, sous embargo jusqu'en l'an 2000, à la bibliothèque de l'université de Yale où elle-même avait étudié. Accessibles à la consultation sous autorisation à partir de cette date mais toujours refusées à la publication, ces lettres furent décryptées par Patricia Le Page aux fins d'une thèse soutenue en 2004. Les lettres adressées par Blanche à Giono ayant, quant à elles, été détruites, celle-ci avait tenu, juste avant de mourir, à rédiger des "Mémoires" évoquant "Le Giono que j'ai connu". La succession Jean Giono s'opposa toutefois à ce que toute citation ou extraits des lettres de l'écrivain auxquels il serait fait allusion dans ces souvenirs puissent être publiés. Quoi qu'il en soit, Hubert Nyssen chargea alors la journaliste et traductrice Annick Stevenson d'écrire, à partir de ce que l'on savait et pouvait révéler, le récit de cette passion tenue secrète. Il faut lire "Blanche Meyer et Jean Giono". L'auteur de "Regain" n'a pas besoin de cet éclairage pour être aimé. Hors cette occultation, il apparaît pourtant plus proche et plus humain. Plus compréhensible dans son regard sur certaines de ses héroïnes qui s'en expliquent mieux. Plus dense et réel dans la vie qu'on lui reconnaît.

Née à Nyons et mariée à 17 ans à un futur notaire qu'elle suit à Manosque, Blanche possède une grâce exceptionnelle. Elle est indépendante, intelligente, romanesque. Ses toilettes et sa liberté affichée font désordre dans la petite ville où elle ne se plaira jamais. Son évasion par la lecture intrigue Giono lorsqu'il apprend par son libraire qu'elle lui a commandé "Ulysse" de Joyce. Ce n'est pas banal à Manosque. Le jour où il l'aperçoit furtivement, il n'a d'autre désir que de la revoir. Ils se croisent parfois au hasard des rues. Se saluent. Se sourient peut-être. Mais il aura déjà 39 ans et elle 26 et une petite fille de 4 ans lorsque, la rencontrant chez des amis, elle lui devient aussitôt indispensable. Aveux. Hésitations. Promenades main dans la main. Lectures de manuscrits. Cadeaux. Bientôt échange de lettres... poste restante. Ce n'est que cinq ans plus tard, l'emmenant à Saint-Paul de Vence, qu'il lui fait découvrir, avec le plaisir, la plénitude de l'amour. Il est désormais en état de dépendance. Elle devient sa muse. Il la réinvente sous les traits d'Adeline, de Pauline, de Julie, de l'Absente des livres de sa seconde période, plus stendhalienne. Elle voudrait pouvoir échapper aux rêves de l'écrivain pour appartenir davantage à sa vraie vie. Mais elle comprend, non sans tristesse, que marié lui-même et père de deux filles qu'il adore, il ne lui appartiendra jamais.

PENDANT 35 ANS

Ils s'aimeront avec passion, se sépareront, se retrouveront, se déchireront durant près de trente-cinq ans. Elle a un mari, Louis, jaloux mais raisonnable et patient. Jean est jaloux, excessif et impatient. Elle sera pourtant frustrée de ses promesses non tenues : un enfant, une maison. La confiance est ébranlée par leurs infidélités respectives. De disputes en réconciliations, ils demeureront pourtant liés à travers les années par la tendresse et par... les lettres. Il est malade lorsqu'il lui écrit la dernière en 1969, avant de mourir l'année suivante.

"Je ne peux considérer que comme une trahison envers Giono lui-même le silence qui a toujours été entretenu autour de cet amour", souligne Blanche dans ses "Mémoires", pudiques, parcourues d'ellipses, parfois chahutées dans la chronologie. Discrète sur leurs étreintes et leurs relations les plus intimes, Blanche Meyer, grâce à l'aide de sa fille envers laquelle son amant s'est toujours montré attentionné, nous prend par la main pour rejoindre autrement l'écrivain si attachant de "Le hussard sur le toit" ou de "Noé". Elle est une voix. Un point de vue. Un seul écho, diront les sceptiques. Demeurent les lettres. Les mille lettres...

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