Obama par Jean-Marcel Bouguereau
D'Abord
ne boudons pas notre plaisir. Notre plaisir de voir ce jeune et beau
couple présidentiel, cette fête qui a envahi Washington avec des foules
aussi joyeuses que nombreuses. Notre plaisir de voir ces centaines de
milliers d’Américains, noirs et blancs mêlés, célébrer ce nouveau
départ. Notre plaisir de voir tant d’espoir soulevé dans ce monde de
crise et de guerre. Cette date est historique à plusieurs titres. Mais
d’abord parce qu’elle marque la fin d’un cycle, celui du racisme public
institué lorsqu’on décréta que les Africains étaient "la propriété du
patron".
Le "racisme privé" reste à combattre même si l’élection d’Obama l’a
fait considérablement reculer : sept Américains sur dix, interrogés
pour des enquêtes démographiques déclarent que pour eux la "race" n’a
plus d’importance, soit une proportion inverse d’il y a seulement un an
! Il faut dire qu’Obama ne s’est jamais présenté comme le premier
"Président noir", ne mettant pas en avant son appartenance ethnique, à
la différence des leaders traditionnels de la communauté noire. Comme
un pont pour mieux combler ce fossé. Ce n’est pas un hasard s’il
glorifie le multiculturalisme de sa famille "élargie" (américaine
blanche, africaine américaine, kényane, indonésienne, chinoise), et
s’érige ainsi en modèle d’intégration interraciale, confessionnelle et
culturelle. Même s’il n’aime pas le mot, car il pourrait laisser
entendre qu’il n’y a plus de discrimination, c’est le premier Président
post-racial des Etats-Unis.
Barack Obama veut aussi éviter de donner l’image d’une identité sans
ancrage américain clairement défini. Il clame en effet que "nul autre
pays au monde n’aurait rendu [son] histoire possible", avec des accents
de patriotisme dépourvu de tout nationalisme. Ce statut particulier lui
permet de faire face aux énormes défis qu’il va devoir affronter et à
ce brillant orateur de demander à l’Amérique de ne faire qu’Un, "sur
l'esplanade où le rêve de Martin Luther King continue de résonner. Par
cela même, nous reconnaissons qu'ici en Amérique, nos destins sont
inextricablement mêlés". Destins fondés sur les valeurs communes, mais
qui rompent avec l’ère Bush, puisqu’il s’agit , selon lui, de…
reconstruire l’Amérique. Lorsqu’il explique - allusion à Guantanamo -
que dans la lutte contre le terrorisme il ne fallait en rien enfreindre
les valeurs de la démocratie ; lorsqu’il avertit les musulmans qu’on
les jugerait à leur capacité à construire et non à détruire ; lorsque
sur la crise, il dénonce "la cupidité et l'irresponsabilité". Des défis
qui "ne seront pas relevés facilement ni rapidement. Mais sache,
Amérique, a-t-il dit, qu'ils le seront". Manière de répéter ce qui fut
son principal slogan électoral "Yes, we can !"